LES SANGUINES

Description

Extrait : Sur le fond de cette bataille, je naquis.  Sur la plaine du Mort-Homme, deux régiments se faisaient face depuis plus d’un mois, les pertes étaient nombreuses de part et d’autre. La mort avait accompli son œuvre de fort belle manière, ne laissant derrière elle que peu de survivants.  C’est là que mes parents habitaient, dans cette tranchée où ce reste d’humanité attendait un signe.

Ma mère, qui avait toujours accompagné mon père, était là, enceinte de neuf mois, le cul dans la boue, la bouche grande ouverte, les narines enflées par l’odeur des cadavres. Le soir s’abattit sur la plaine, le sang inondait les âmes des derniers survivants. Elle l’appela, elle l’appela si fort que le vent se tut  « Raymond, Raymond !

C’est comme cela que mon père, lieutenant de cette infanterie fantôme,  découvrit, là où la boue et le sang se mélangent si bien, que la vie venait de trouver le chemin. Le cri et le sang, la plaine et la mort furent soumis aux pleurs d’un enfant, de leur enfant !